Pauline Gagnon au cœur de la matière

Le 16 février avait lieu la première Classe des Originaux dans le cadre de la nouvelle série Passion sciences, animée par la journaliste, chroniqueuse et « Originale » Sophie-Andrée Blondin (B.A. Communication 1985), une initiative visant à faire connaître le Mouvement des Originaux. En direct de l’Allemagne, où elle vit maintenant une retraite active, Pauline Gagnon (B.Sc. Physique 1978) a exprimé en toute simplicité d’où lui vient sa passion pour la science et comment elle conçoit son travail de scientifique «au cœur du cœur de la matière». 

Dès sa tendre enfance, qui se déroule à Chicoutimi aux abords du magnifique Saguenay, elle souhaite comprendre de quoi la matière est constituée. En réponse à Sophie-Andrée Blondin, qui cherche à savoir si une émission de vulgarisation scientifique lui a donné la piqûre de la science, elle raconte une anecdote savoureuse. «Alors que j’avais 8 ans, je fondais beaucoup d’espoir sur une nouvelle émission qui s’intitulait Atome et Galaxie…. Quelle déception quand j’ai vu apparaître à l’écran deux vieux chnoques en sarraus blancs qui parlaient entre eux sans que je ne comprenne rien!». 

C’est un jeu de chimie reçu quand elle a 10 ans qui lui fera vivre ses premières explorations scientifiques. L’expérience «odeur d’œufs pourris» est mémorable, selon elle. Sophie-Andrée Blondin recommande ce jeu, qui existe encore et qui aurait allumé la flamme scientifique de nombreux chercheurs. 

À l’adolescence, Pauline Gagnon a un professeur de chimie qui lui donne accès à un laboratoire. Wow! Moment magique pour elle. «J’en avais les larmes aux yeux: le laboratoire de chimie, c’était un rêve!», se rappelle-t-elle.  Mais, celle qui veut toujours comprendre de quoi est faite la matière se rend compte que cette quête relève plutôt de la physique des particules. Elle choisira de poursuivre ses études universitaires en s’inscrivant en physique à l’UQAM, un parcours académique quelle a apprécié pour son espace de créativité ainsi que pour la grande accessibilité des professeurs.

Aujourd’hui physicienne de renommée internationale, la diplômée rappelle qu’à l’époque de Démocrite, un philosophe grec, l’atome, un mot qui signifie indivisible, désignait le plus petit élément possible de la matière. Depuis, les scientifiques ont découvert que l’atome est, en fait, composé de particules plus petites (protons, neutrons, électrons), mais «jusqu’à récemment, il y avait une pièce manquante pour comprendre l’édifice théorique expliquant la matière». Ses recherches au Conseil européen pour la recherche nucléaire (CERN) l’ont amenée à concrétiser enfin sa quête: elle a  participé à la découverte d’une particule de matière qui n’avait jamais pu être observée. 

Grâce à un accélérateur de particules, qu’elle décrit comme étant un long tunnel (un peu comme un circuit de métro de 27 kilomètres de circonférence), l’équipe de chercheurs dont elle faisait partie a réussi à observer une nouvelle particule souvent éphémère et qui donne la masse à toutes les autres particules, ce qu’on appelle un grain de force. Euréka! Après 48 ans de recherche, on venait de découvrir le saint Graal: le boson de Higgs.

Auteure du livre de vulgarisation scientifique Qu’est-ce que le boson de Higgs mange en hiver et autres détails essentiels, qui a été traduit en huit langues, Pauline Gagnon est aussi une communicatrice scientifique prisée. Elle a donné des centaines de conférences à travers l’Europe, l’Afrique et l’Amérique du Nord. De son propre aveu, «c’est magique de pouvoir partager sa passion, le plaisir de la science»Elle travaille présentement sur un projet d’écriture et elle se désole de constater «qu’il y a beaucoup de femmes qui font des choses extraordinaires en sciences et qui, malgré leurs réussites, sont oubliées par l’histoire».

Sa nouvelle quête? Transmettre le plaisir de la démarche scientifique, sensibiliser le monde des sciences à la diversité des genres et le monde citoyen à la beauté des sciences. Selon elle, la diversité est un moteur essentiel pour rendre la recherche plus ingénieuse et créative. Longtemps, elle a ressenti l’exclusion des femmes du monde scientifique comme une douleur. À plusieurs étapes de son parcours, tant à titre d’étudiante qu’à titre de professionnelle, elle s’est retrouvée dans un contexte majoritairement masculin, une situation difficile à vivre.

Elle trouve dommage qu’au CERN, à l’origine un laboratoire européen, on dénombre, sur 12 000 physiciens, 80% d’hommes et 80% de personnes de race blanche, et ce, malgré que le Centre compte maintenant une centaine de pays participants. Selon elle, «tant qu’on exclut la diversité, on se prive de créativité, la clé de la réussite en science». En tant que lesbienne, elle s’est souvent retrouvée isolée, exclue des discussions informelles à l’heure du lunch. C’est en lisant un rapport sur la situation des personnes LGBTQ en physique au États-Unis qu’elle a compris le phénomène de mise à l’écart qu’elle avait ressenti au cours de toutes ces années. L’homophobie et le sexisme, confie-elle, ont laissé quelques cicatrices sur son parcours professionnel. Malheureusement, il y a aussi un plafond de verre dans le monde scientifique.

La vidéo de l’entretien est disponible en ligne.

La série de Classes des Originaux est organisée par le Bureau des diplômés et s’inscrit dans le cadre de la campagne majeure de financement de l'UQAM 100 millions d’idées.

On peut réserver sa place dès maintenant pour les prochaines classes de la série Passion Sciences:

16 mars: Scott McKay, consultant, auteur et enseignant en responsabilité sociale et environnementale
Inscription gratuite en ligne

20 avril: Sophie-Andrée Blondin, animatrice du magazine d'actualité scientifique Les Années lumière sur ICI Radio-Canada Première 
Inscription gratuite en ligne

Source : Actualités UQAM

 
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