Réflexions d’une conseillère municipale en confinement

Le 11 mars dernier, juste avant le déclenchement de la crise du coronavirus, la conseillère du district Peter-McGill et première femme présidente du Conseil municipal de Montréal, Cathy Wong (LL.B., 2008), était l’invitée de la quatrième et dernière classe de maître des Originaux, une série de conférences ouvertes à tous ayant pour but de faire connaître les parcours et les réflexions de diplômés exceptionnels de l’UQAM.

Dans le cadre de l’événement sur le thème de la démocratie, la diplômée, qui milite pour un meilleur accès des femmes et des minorités en politique, a partagé ses réflexions et proposé des pistes afin que les élus-es soient davantage à l’image de ceux et celles qu’ils représentent. Cathy Wong a également plaidé pour une meilleure intégration des outils numériques au service de la démocratie, ceci afin de rendre les institutions politiques plus transparentes et d’augmenter la participation citoyenne, en particulier celle des aînés, des parents ayant de jeunes enfants et des personnes à mobilité réduite. «Diffuser les débats sur le web et poser des questions aux élus en ligne font notamment partie des solutions», avait-elle déclaré.

Premier conseil municipal virtuel

Un mois plus tard, Cathy Wong était loin de se douter qu’elle allait participer au premier conseil municipal virtuel, confinement oblige! Le gouvernement du Québec a autorisé les élus municipaux à tenir un conseil en ligne en raison des circonstances exceptionnelles. «Je n’envisageais pas une telle possibilité avant 2023», s’exclame celle qui se dit impressionnée par la rapidité de la Ville de Montréal à s’ajuster aux nouvelles contraintes afin de poursuivre les travaux à distance. Cette transition numérique à vitesse grand V a chamboulé les manières de faire des élus municipaux, «mais ne les a pas empêchés pour autant de répondre aux besoins des citoyens face à la crise actuelle», témoigne la diplômée. Lors du conseil municipal du 20 avril dernier, la Ville de Montréal, par souci de transparence et d’équité, a aussi offert, pour la première fois, une période de questions du public en ligne.

Sale temps pour la démocratie?

Des décisions prises à huis clos par le gouvernement en l’absence de groupes d’opposition, des élections partielles et des investitures reportées… Plusieurs citoyens ont exprimé des craintes au sujet des atteintes à la démocratie en cette période de crise. «Il est vrai que l’on observe un peu partout dans le monde un recul de la démocratie, note Cathy Wong. Dans ce cadre-là, il est plus facile pour les gouvernements d’outrepasser leurs pouvoirs. Il y a plus de risques de dérapages et d’abus.» Si de telles craintes sont partagées par les citoyens, c’est toutefois une preuve que notre démocratie est vivante et que les gens s’en préoccupent, relève Cathy Wong.

Pour la conseillère, il faut demeurer vigilant et protéger les valeurs démocratiques de transparence, d’imputabilité et d’équité en termes de participation. «Les partis d’opposition doivent participer aux prises de décision et les journalistes doivent avoir accès à l’information. Mon rôle en tant que conseillère est de répondre aux urgences sanitaires tout en veillant à protéger ces valeurs démocratiques, dit-elle. Je compte par ailleurs sur les Montréalais pour nous rappeler à l’ordre, le cas échéant.»

La communauté chinoise durement éprouvée

La situation des résidents du district Peter-McGill, le quartier ouest de l’arrondissement Ville-Marie où vivent des personnes isolées et vulnérables, des personnes itinérantes ainsi que de nombreuses familles immigrantes allophones, inquiète Cathy Wong. «Ces familles et ces personnes seules ne sont pas nécessairement informées des mesures prises par la Ville et des ressources offertes par les organismes», fait-elle remarquer. Heureusement, la Ville de Montréal a mis en place des solutions. Des YMCA, des hôtels et même l’entrée de la Grande Bibliothèque ont été transformés en refuges pour les itinérants, où ils peuvent trouver nourriture, chaleur et hébergement. L’ancien hôpital Royal-Victoria héberge, quant à lui, les itinérants malades de la COVID-19. Des organismes communautaires ont mis l’épaule à la roue afin de préparer des paniers alimentaires destinés aux familles et aux personnes seules dans le besoin. «Des élus sont sur le terrain pour aider la population», assure Cathy Wong, qui regrette de ne pouvoir se joindre à eux, puisqu’elle est enceinte de son premier enfant.

Le quartier abrite également une importante communauté chinoise. «Cette dernière a été doublement affectée, dit Cathy Wong, elle-même d’origine chinoise. Dès le mois de janvier, les festivités du Nouvel An ont été annulées, les clients et les touristes ont fui le Quartier chinois et les voyageurs de retour de Chine devaient rester en confinement. Plusieurs personnes étaient aussi très inquiètes pour leurs proches vivants en Chine. C’est une communauté très résiliente, qui a fait preuve de beaucoup d’entraide.»

Depuis le début de la pandémie, les personnes d’origine asiatique ont été victimes d’actes racistes et de discrimination. «Il y a eu une mobilisation sans précédent dans la communauté pour dénoncer ces comportements racistes, relève Cathy Wong. Nous ne sommes pas un virus!»

Pour une pratique durable et écologique

Cathy Wong espère que les élus pourront siéger de nouveau au Conseil municipal à distance. «C’est une alternative intéressante pour des raisons de conciliation travail-famille et d’accessibilité à la participation citoyenne pour des personnes à mobilité réduite, par exemple.» Pour autoriser la pratique, le gouvernement du Québec doit changer ses lois et règlements, tant au palier municipal que provincial. «Les élus ont l’obligation de siéger physiquement sur place et de voter en personne», rappelle la conseillère.

Cette pratique s’inscrit aussi dans une perspective de transition écologique, observe la diplômée. «Un conseil municipal monopolise environ 200 personnes, dont une soixantaine d’élus, qui doivent utiliser la voiture ou les transports collectifs pour se rendre à l’Hôtel de Ville, explique–t-elle. La tenue des séances virtuelles permet de réduire l’empreinte environnementale des élus et, du coup, les émissions de gaz à effet de serre.»

Source : Actualités UQAM
Photo : Jean-François Hamelin

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